Témoins
Ce sont des médiateurs: journalistes, cinéastes, écrivains ... Ils mettent leur talent au service de la vérité, avec passion et intégrité. Sans eux, sans leur courage et leur désintéressement, il serait bien difficile que l'histoire des luttes de ces peuples lointains parvienne jusqu'à nous. Deux d'entre eux ont témoigné récemment devant le public d'Oloron. En voici les portraits :
Pamela YATES
Maurice LEMOINE
ci-dessous en conversation avec Rigoberta Menchu (extrait du film Granito)
Lorsqu'une toute jeune cinéaste, fraîchement diplômée de l'Université de New York, arrive fin 1981 au Guatemala déchiré par un conflit d'une extrême violence – il fera 200 000 morts – elle est loin de se douter qu'elle filme en plein cœur … d'un génocide. Et que certains de ses rushes serviront, trente ans plus tard, de preuve accablante dans le procès de l'ancien dictateur Rios Montt, condamné, en Mai 2013, à 80 ans de prison pour génocide et crimes contre l'humanité. Son film «When the mountains tremble » sera couronné au Festival de Sundance, le principal festival de cinéma indépendant des Etats-Unis. Il révélera au monde entier une jeune indienne du nom de … Rigoberta Menchu, dont la voix, dénonçant les exactions barbares commises contre son peuple ne va cesser ensuite de retentir et d'émouvoir … jusqu'en Norvège, où elle reçoit, en 1992, le prix Nobel de la Paix, un an après Ann San Suu Kyi et un an avant Nelson Mandela.
Pamela Yates - puisque c'est d'elle qu'il s'agit – n'en restera pas là. Elle est une documentariste de talent, doublée d'une militante convaincue des Droits de l'Homme. Nombre de ses documentaires ont été tournés en Amerique Latine. D'autres dans son pays, les USA, où elle s'est particulièrement intéressée aux laissés-pour-compte du boom économique de la fin des années 90. Un enfin (Reckoning (Le moment de vérité) – 2009 - sur la bataille pour la création de la Cour Pénale Internationale) dans 4 continents. Elle a écrit pour le cinéma et pour la télévision. Ses réalisations ont fréquemment été récompensées. Dans de nombreux festivals comme Sundance, ou le Festival International du Film des Droits de l'Homme de Paris (pour Granito en 2011), mais aussi par des Oscars (pour le court-métrage Witness to war en 1985), des Emmy Award (télévision, pour Loss of Innocence), ou comme «Meilleur Reportage, dans tous les medias, sur l'Amérique Latine » (pour State of Fear, en 2005, un film sur le terrorisme au Pérou, traduit en 48 langues et projeté dans 157 pays). Co-fondatrice et présidente de la compagnie de cinéma indépendante Skylight Pictures, basée à New-York, elle a été officiellement invitée à faire partie de l'Academy of Motion Picture Arts and Sciences, l'Academie des Oscars, en Juin 2013. Dans la même « promotion » on relève les noms des documentaristes Patricio Guzman (Chili), Raoul Peck (Haïti) et français (Claude Lanzmann, Marcel Ophuls, Agnès Varda).
Issu d'un milieu modeste, Maurice Lemoine a exercé tous les métiers ou presque avant de s’essayer au journalisme. C’est un premier voyage de sept mois, en Amérique Centrale, en 1973, avec 7 000 francs en poche, qui l'a fait se lancer dans de longues années de galère comme pigiste désargenté, jusqu'au jour où une polémique déclenchée par son premier livre, Le Cuir et le Baston, une incursion dans le monde des loubards, l’a sorti de l’anonymat. Dès lors, les portes de la revue Autrement, du Monde diplomatique, de France Culture (« Les nuits magnétiques ») et d’un certain nombre d’éditeurs se sont ouvertes devant lui.
Préférant la présence sur les points chauds aux ronds de jambes dans les ministères et les ambassades, il a couvert pendant plusieurs décennies les soulèvements indigènes, mouvements sociaux et guérillas (voire même les coups d’Etat) d’Amérique latine. Il a rejoint la rédaction du Monde diplomatique en 1997 et, tout en poursuivant son travail de «terrain », en est devenu rédacteur en chef en 2006, jusqu'en octobre 2010.
Journaliste engagé – mais non militant – il privilégie le travail sur le terrain. Auteur de centaines de reportages et de nombreux ouvrages dont « Les cent portes de l'Amérique Latine », « Sucre amer », « la Dette », « Amérique Centrale : les naufragés d'Esquipulas », « Chavez Présidente », «Le Venezuela de Chavez», « Sur les eaux noires du fleuve » (2013).