MEXIQUE
Le président mexicain en France pour le 14 juillet : disparus et torturés,
les oubliés du défilé ?
Le président et l'armée du Mexique participeront au prochain défilé du 14 juillet. Faut-il rappeler que des militaires et policiers mexicains ont fait de très nombreuses victimes de torture et de disparition forcée ces dernières années, sans être inquiétés ?
À l’occasion de la visite officielle du président mexicain Enrique Peña Nieto en France le 14 juillet prochain, l’ACAT, Amnesty International France (AIF) et le Collectif Paris-Ayotzinapa appellent François Hollande à interpeller son homologue sur le respect des droits de l'homme au Mexique et dans l’enquête concernant les 43 étudiants disparus le 26 septembre 2014
Une faillite planifiée de l'Etat
par Raul Zibechi
24/10/2014
L'Etat s'est transformé en une institution criminelle au sein duquel fusionnent le narcotrafic et les politiciens afin de contrôler la société. Un Etat failli qui a été construit au cours des deux dernières décennies pour éviter le plus grand cauchemar des élites : une seconde révolution mexicaine.
« Vivants ils les ont amené, vivants nous les voulons » crie Maria Ester Contreras, tandis que vingt poings levés reprennent en choeur le slogan sur l'estrade de l'Université Iberoaméricaine de Puebla, au moment où le prix Tata Vasco est remis au collectif Forces Unies pour Nos Disparus au Mexique (Fundem) pour son travail contre les disparitions forcées. La scène est poignante : les parents, presque toutes des mères ou des sœurs, ne peuvent contenir leurs plaintes et leurs larmes chaque fois qu'elles prennent la parole lors du XI Forum des Droits de l'Homme.
Rien à voir avec la généalogie des disparitions que nous connaissons dans le Cône Sud. Au Mexique, il ne s'agit pas de réprimer, de faire disparaître et de torturer des militants mais de quelque chose beaucoup plus complexe et terrible. Une mère a narré la disparition de son fils, un ingénieur en télécommunications qui travaillait chez IBM, séquestré par les narcos pour l'obliger à construire un réseau de communications à leur service. « Cela peut arriver à n'importe qui », avertit-elle, disant que toute la société est visée et que, de ce fait, personne ne devrait se tenir à l'écart.
Fundem est né en 2009, dans l'Etat de Coahuila, et a pu réunir plus de 120 familles qui recherchent 423 personnes disparues, qui travaillent parfois avec le Réseau Vérité et Justice, qui cherche 300 migrants centroaméricains disparus en territoire mexicain. « Des dégâts collatéraux » selon l'ancien président Felipe Calderon, en essayant de minimiser la tragédie des disparitions. « Ce sont des êtres qui n'auraient jamais dû disparaître » réplique Contreras.
Pire que l'Etat Islamique
Un communiqué de Fundem, à l'occasion de la Troisième Marche de la Dignité qui a eu lieu en Mai, souligne que « d'après le Ministère de l'Intérieur (Secretaria de Gobernacion), jusqu'en Février 2013, on comptait 26 121 personnes disparues », depuis que Calderon a déclaré la « guerre au narcotrafic » en 2006.
Après le massacre d'Iguala (qui a fait 18 morts et 43 disparus parmi les étudiants de l'école normale d'Ayotzinapa) perpétré par l'armée et la police sur ordre des autorités de l'Etat de Guerrero, nous avons traduit deux analyses révélatrices de l'évolution du Mexique depuis l'entrée en vigueur de l'ALENA ...
LES VINGT ANS DU TRAITE QUI A DECLENCHE LES VIOLENCES
par Victor Quintana
04/01/2014
La campagne mexicaine n'est plus la même avant l'Accord de Libre Echange de l'Amérique du Nord (ALENA) et vingt ans après. Si la campagne est en flammes, on ne le doit pas seulement à des « méchants » c'est à dire aux cartels de la drogue, aux groupes de tueurs à gages et de matons. Parce que la violence criminelle n'est ni la seule, ni n'a été le facteur qui a déclenché la crise humanitaire vécue dans d'amples zones rurales du pays. Le changement drastique des politiques publiques en direction du secteur agricole, induit par les programmes d'ajustement structurel et l'ouverture commerciale dont l'ALENA fut le joyau de la couronne, a engendré les conditions pour que surgissent de multiples formes de violence dans le monde rural mexicain.
Les gouvernements fédéraux ont, à partir de 1983, imposé toute une série de politiques d'ajustement économique comme le rejet du système de crédit rural de tous les producteurs saisonniers ; les prix de l'énergie ont commencé à s'envoler: en 1993 un litre d'essence coûtait 1.36 pesos, aujourd'hui plus de 12 pesos ; les prix de ce que produisent les paysans ont commencé à baisser, car on a mis fin aux prix garantis. On a créé de nouveaux subsides comme le PROCAMPO, mais ils sont concentrés sur les grands producteurs. Et, en dépit des multiples avertissements des organisations paysannes et de beaucoup de chercheurs, on a signé l'ALENA, alors que les producteurs mexicains de grains de base, surtout de petits et moyens agriculteurs, ne peuvent rivaliser avec l'agriculture la plus puissante du monde, ni en termes de conditions agroclimatiques, ni de subsides, ni de technologie, ni de soutiens gouvernementaux.
Ne pouvant rivaliser avec l'agriculture nordaméricaine dans des conditions d'ouverture commerciale, des centaines de milliers d'exploitations paysannes ont fait faillite. C'est ainsi que s'est déclenché l'exode rural vers les villes ou les Etats-Unis. D'après le Secrétariat du Travail, depuis 1994, 1 million 780 mille personnes ont abandonné la campagne. Les communautés rurales se vident des jeunes hommes, devenant des villages de femmes, d'enfants et de personnes âgées ; la vie communautaire s'éteint ; de nombreux groupements disparaissent. Ceci est une violence sourde, mais bien réelle.