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BOLIVIE

 

Pourquoi Evo a-t-il gagné ?

 

Atilio Boron

12/10/2014

La Bolivie change

 

Ignacio Ramonet

3/11/2014

L'écrasante victoire d'Evo Morales s'explique très simplement : il a gagné parce que son gouvernement a été, sans aucun doute, le meilleur de l'histoire convulsive de la Bolivie. « Meilleur Â» cela veut dire, évidemment, qu'il a accompli la grande promesse, tant de fois non tenue, de toute démocratie : garantir le bien-être matériel et spirituel des grandes majorités nationales, de cette hétérogène masse plébéienne opprimée, exploitée et humiliée durant des siècles. On n'exagère ni d'un iota si l'on dit qu'Evo est la ligne de partage de l'histoire bolivienne : il y a une Bolivie avant son gouvernement et une autre, différente et meilleure, à partir de son arrivée au palais Quemado. Cette nouvelle Bolivie, cristallisée dans l'Etat Plurinational, a enterré définitivement l'autre (qui était) : coloniale, raciste, élitiste et nul ni rien ne pourront la ressusciter.ù=

 

Une erreur fréquente est d'attribuer cette véritable prouesse historique à la bonne fortune économique qui se serait déversée sur la Bolivie « semant les bienfaits Â» de l'économie mondiale, en ignorant le fait que peu après l'ascension d'Evo au pouvoir, celle-ci (l'économie mondiale) était entrée dans un cycle de récession dont aujourd'hui elle n'est pas encore sortie. Sans doute son gouvernement a t-il fait un usage adéquat de la politique économique, mais ce qui à nos yeux est essentiel pour expliquer son extraordinaire leadership est le fait qu'avec Evo s'est déchaînée une véritable révolution politique et sociale dont le signe le plus marquant est l'instauration, pour la première fois dans l'histoire bolivienne, d'un gouvernement des mouvements sociaux. Le MAS n'est pas un parti au sens strict mais une grande coalition d'organisations populaires de divers types qui au fil de ces années s'est élargie jusqu'à incorporer des secteurs « de la classe moyenne Â» qui par le passé s'étaient opposés vigoureusement au leader cocalero. De ce fait, il n'est pas surprenant que dans le processus révolutionnaire bolivien (se rappeler que la révolution est toujours un processus, jamais un acte) se soient manifestées de nombreuses contradictions qu'Alvaro Garcia Linera, le colistier [et vice-président] d'Evo, interprète comme les tensions créatrices propres à chaque révolution.

Pour le voyageur qui revient après plusieurs années en Bolivie et qui chemine lentement dans les rues escarpées de La Paz, ville juchée entre des ravins abrupts à près de quatre mille mètres d'altitude, les changements sautent aux yeux : on ne voit plus de mendiants ni de vendeurs ambulants qui pullulaient sur les trottoirs. On sent qu'il y a le plein emploi. Les gens sont mieux habillés, paraissent en meilleure santé. Et l'aspect général de la capitale apparaît plus coquet, plus propre, plus vert et plus aménagé en espaces verts. On remarque l'essor de la construction. Des dizaines de hauts édifices flamboyants ont surgi et les centres commerciaux modernes se sont multipliés, dont l'un comprend le plus grand complexe de cinémas (18 salles) d'Amérique du Sud.

 

Mais le plus spectaculaire ce sont les sensationnels téléphériques urbains à la technologie (1) futuriste qui entretiennent au-dessus de la cité un ballet permanent de cabines colorées, élégantes et éthérées comme des bulles de savon. Silencieuses et non-polluantes. Deux lignes fonctionnent déjà, la rouge et la jaune ; la troisième, la verte, sera inaugurée lors des prochaines semaines, créant ainsi un réseau interconnecté de transport par câble de onze kilomètres, le plus long du monde, qui permettra à des dizaines de milliers d'habitants de La Paz (paceños) de s'économiser en moyenne deux heures de transport quotidien.

 

« La Bolivie change. Evo a tenu [ses promesses] Â» affirment quelques affiches dans les rues. Et chacun le constate. Le pays est en effet autre. Très différent de celui d'il y a à peine une décennie, quand on le considérait « le plus pauvre d'Amérique Latine après Haïti Â». En majorité corrompus et autoritaires, ses gouvernants passaient leur vie à implorer des prêts aux institutions financières internationales, aux principales puissances occidentales ou aux organisations humanitaires

mondiales. Tandis que les grandes entreprises minières étrangères pillaient le sous-sol, en payant à l'Etat des redevances de misère et en prolongeant la spoliation coloniale.

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