Le changement climatique vu du Sud
Eduardo G. Tamayo*
Plusieurs dangers menacent l'humanité, mais deux d'entre eux sont décisifs et loin d'être résolus : la guerre nucléaire et le changement climatique. Le cauchemar nucléaire n'a pas pris fin avec la « Guerre Froide » où s'affrontèrent les deux super-puissances (Etats-Unis et URSS), de nouveaux pays (Israel, Inde, Pakistan, Corée du Nord) ont rejoint le « club » des pays puissants en possession des armes nucléaires (Etats-Unis, Russie, Royaume Uni, France et Chine). Peu à peu, le stock d'armes a augmenté jusqu'à atteindre le chiffre de 20 000 projectiles nucléaires. L'utilisation d'à peine une centaines de ceux-ci serait suffisant pour créer un hiver nucléaire qui provoquerait, à bref délai, une mort épouvantable de tous les êtres humains qui habitent la planète.
Non moins mortifère, mais à plus long terme, est le changement climatique du à l'accumulation de gaz à effet de serre (GES) [1] qui cause déjà de sérieux ravages sur tous les continents. En 2013, la concentration de dioxyde de carbone (CO2), un des principaux gaz à effet de serre, a dépassé le seuil des 400 ppm (parties par millions) alors qu'en 1990, la concentration était de 300 ppm [2].
Si les émissions de GES continuent au rythme actuel, et si ne sont pas prises des mesures urgentes pour essayer de ralentir cette progression, la capacité de la Terre à absorber les GES sera épuisée dans 50 ans, et surviendra l'augmentation redoutée de la température de deux degrés (ou plus), ce qui provoquera des dégâts généralisés et graves, avec une augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes [3].
Le cauchemar est déjà là.
Les impacts du changement climatique se ressentent déjà sur toute la planète, mais ils affectent plus les régions et les pays les plus pauvres. Excès de pluies ou sécheresses extrêmes, fonte des glaciers des pôles et des névés, acidification des océans, augmentation des niveaux et de la température des océans, des mers et des rivières, fortes inondations, ouragans et incendies incontrôlables, ce sont quelques-uns des phénomènes qui se forment avec leurs conséquences sur la santé, l'alimentation, l'économie, l'habitat et la vie de millions de personnes.
« Les projections montrent que le changement climatique fera augmenter les risques existants relatifs au climat et engendrera de nouveaux risques pour les systèmes naturels et humains », indique un rapport du Groupe de Travail n° II du Cinquième Rapport du Groupe Intergouvernemental des Experts sur le Changement Climatique (GIEC) [4], document qui souligne les aspects suivants :
Notes:
1 Les principaux gaz à effet de serre comprennent le dioxyde de carbone (CO2), le méthane, la vapeur d'eau, le protoxyde d'azote, les chorofluorocarbures, l'hexafluorure de soufre. L'accumulation de ces gaz comme résultats d'activités humaines telles que la combustion des dérivés du pétrole, la déforestation, la gestion inadaptée des déchets, parmi d'autres, élève la température de la planète, provoquant le dérèglement du climat.
2 Fander Falconí, Cambio climático y activos tóxicos, América Latina en Movimiento N°498, Quito, septiembre 2014.
3 Martín Khor, Mensajes del fin del mundo, Agenda global, Instituto del Tercer Mundo, Montevideo, 14-11-2014
4 GIEC, 2014, rapport de synthèse du 5ième rapport du GIEC in
http://www.ipcc.ch/pdf/ar5/prpc_syr/11022014_syr_copenhagen_fr.pdf
Le côté obscur du menu de Noël
Esther Vivas
23/12/2014
Ma mère m'appelle au téléphone. « Nous avons déjà le menu des fêtes de Noël » annonce-t-elle. A côté des classiques – en Catalogne – comme la « soupe de galets » (coquillettes garnies NdT) , version végétarienne dans mon cas, et les « canalones » (cannelonis catalans NdT), avec et sans viande pour toute la famille, elle me dit que « la salade d'ananas ne manquera pas » . Il en sera de même dans beaucoup d'autres foyers ces prochains jours. A la morue au chou-fleur typique du Noël en Galice ou aux escargots à la montagnarde de Cantabrie s'ajouteront l'ananas en provenance du Costa Rica et les langoustines de l'Equateur.
Le menu de Noël s'est mondialisé. Si, auparavant, nos plats traditionnels étaient attachés à ce que nous donnait la terre, de sorte que la gastronomie de chacun des territoires de l'Etat avait ses propres nuances, aujourd'hui les aliments « voyageurs », au cours des fêtes de Noël et des 365 jours de l'an, ont « inondé » les cuisines.
Incorporer des aliments étrangers à la diète n'a rien de mal, au contraire. Le problème, de mon point de vue, se trouve là où l'intégration de ces plats au menu répond davantage aux intérêts d'une poignée de multinationales du secteur, qui se procurent les produits en question à un prix extrêmement bas grâce à l'exploitation de la main d'oeuvre et de l'environnement, qu'à notre soif de diversité culinaire.
Le cas de l'ananas et des langoustines, déjà cités, ne laisse aucun doute. La majeure partie des ananas que nous allons consommer durant ces jours de fête nous arrive du Costa Rica. Concrètement, les trois quarts de ceux qui sont commercialisés en Europe proviennent de ce pays, qui a doublé sa production en seulement quinze ans, entre les mains de deux grandes multinationales étasuniennes Del Monte et Dole. Derrière ce fruit si « apprécié », cependant, se cache la trace de l'exploitation de la main d'oeuvre et de la contamination de l'environnement.
Beaucoup de leurs travailleurs, entre 60 et 90% selon la région, sont des immigrants nicaraguayens, la plupart sans papiers, qui travaillent entre six et sept jours par semaine, douze heures par jour, pour des salaires de misère qui leur permettent à peine de survivre. Les cas de contamination dus à l'inhalation de substances toxiques appliquées dans les plantations sont fréquents et la persécution des syndicats une constante.
On estime que la culture intensive de l'ananas nécessite jusqu'à 20 kilos de pesticides par hectare, avec comme conséquences la stérilisation du sol, la perte de biodiversité et l'impact sur la santé humaine. Il s'agit d'agrotoxiques légaux au Costa Rica mais des plus controversés à l'échelle mondiale, comme l'indique l'excellent documentaire Piñas : el precio oculto de la fruta tropical (Ananas : le prix caché du fruit tropical) de la journaliste Felicity Lawrence. Comme en conclue le film : « Moins paie le consommateur en Europe, plus le prix que doit payer le Costa Rica est élevé».