Le leader charismatique de la révolution bolivarienne, décédé le 5 Mars 2013, aura marqué non seulement l'histoire du Venezuela mais aussi celle de l'Amérique Latine. Etrange "dictateur" et étrange « dictature » que cette révolution pacifique qui consulta le peuple vénézuélien 19 fois en 14 ans ! Et jamais et nulle part ailleurs qu'au Venezuela bolivarien la démocratie participative n'a été autant approfondie. Et tout cela, « dans un climat de paix, de respect de la vie, dans le cadre d'institutions, et en étant attentif à de hauts principes d'humanité et de dignité. ».
La revue « Question » du Venezuela consacra une édition spéciale « Chavez marco el camino» en «homenaje a Hugo Rafael Chávez Frías, el líder político democrático más carismático de las últimas décadas en Latinoamérica, con una relación particularmente movilizadora del pueblo. » (en hommage a Hugo Rafael Chavez Frias, le leader politique démocratique le plus charismatique des dernières décennies en Amérique Latine, avec une relation particulièrement mobilisatrice du peuple ).
A cette édition spéciale de 92 pages (que l'on peut lire ou télécharger ) ont contribué des personnalités latinoaméricaines aussi prestigieuses que Gabriel Garcia Marquez, Eduardo Galeano, Luis Inacio Lula da Silva, Fidel Castro, Joao Pedro Stedile et bien d'autres.
Nous avons toutefois retenu et traduit la contribution de l'écrivain-poète colombien William Ospina dont voici les derniers paragraphes :
« Chavez pourrait bien avoir fait une immense faveur à la démocratie. Chavez pourrait être, en Amérique Latine et au début du XXI ième siècle, l'homme qui réfuta la théorie selon laquelle la violence est le moteur de l'histoire. Nombreux sont ceux qui auront voulu l'obliger à recourir à la violence, beaucoup songent encore à tenter de s'en servir, mais quand nous étions déjà persuadés que c'était vrai que l'Etat n'existe que pour garantir des privilèges et maintenir l'ordre établi, quelqu'un est venu nous démontrer que la démocratie peut être un instrument de transformations réelles, ouvrant des horizons de justice aux sociétés. Hugo Chavez, avec son regard souriant de « llanero » (homme des grandes plaines) et son sourire profond d'homme du peuple, pourrait bien avoir fait quelque chose de beaucoup plus profond et durable qu'inventer le socialisme du XXI ième siècle ; il est possible qu'il ait inventé la démocratie du XXI ième siècle. »
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Hugo CHAVEZ
EDUARDO GALEANO *
La diabolisation de Chavez
Hugo Chavez est un démon. Pourquoi ??? Parce qu'il a alphabétisé plus de 2 millions de vénézuéliens qui ne savaient ni lire ni écrire, bien qu'ils aient vécu dans un pays qui détient la richesse naturelle la plus importante du monde, le pétrole. J'ai vécu quelques années dans ce pays et j'ai très bien connu ce que c'était.
On l'appelle le « Venezuela Saoudite » à cause du pétrole. Il y avait plus de 2 millions d'enfants qui ne pouvaient aller à l'école parce qu'ils n'avaient pas de papiers. C'est là qu'est arrivé un gouvernement, ce gouvernement diabolique, démoniaque, qui fait des choses élémentaires, comme de dire « Les enfants doivent être acceptés dans les écoles avec ou sans papiers ». Et ce fut la fin du monde: ça c'est une preuve que Chavez est un méchant méchantissime. Puisqu'il possède cette richesse, et que, grâce à la guerre d'Irak, le pétrole se vend très cher, il veut en profiter à des fins solidaires. Il veut aider les pays sudaméricains, en particulier Cuba. Cuba envoie des médecins, lui paie avec le pétrole. Mais ces médecins furent aussi source de scandales. On dit que les médecins vénézuéliens étaient furieux de la présence de ces intrus travaillant dans les quartiers pauvres.
A l 'époque où je vivais là-bas comme correspondant de Prensa Latina, je n'y ai jamais vu un médecin. Maintenant, oui, il y a des médecins. La présence des médecins cubains est une autre évidence que Chavez est sur la Terre en visite, parce qu'il appartient à l'enfer. Alors, quand on lit les nouvelles, il faut tout traduire. Le démoniaque vient de là pour justifier la machine diabolique de la mort.
* Ecrivain uruguayen, auteur de "Les Veines Ouvertes de l'Amérique Latine"
