ECONOMIE - AMERIQUE LATINE
Ci-dessous trois articles et une interview (audio) écrits ou donnée par deux économistes de renom, spécialistes reconnus de l'Amérique Latine. L'un, Julio Gambina, est argentin et vit en Argentine. L'autre, Pierre Salama, est français et vit à Paris. Tous deux ont occupé et continuent d'occuper des responsabilités universitaires, scientifiques, éditoriales, associatives. Tous deux, par leurs trajectoires respectives et leurs analyses passées et actuelles, défendent une vision de l'économie politique « visant à mettre les marchés au service des hommes et non les hommes au service des marchés », comme l'écrit Pierre Salama, ou posant la question d'un « changement économique […] pour répondre aux espoirs qu'a engendré le changement politique dans nos pays en ce XXI ème siècle », comme l'écrit Julio Gambina. Leurs analyses lucides et concordantes des réalités économiques des pays d'Amérique Latine en 2015 devraient nous donner à réfléchir.
Quo Vadis Amérique Latine
Argentine, Brésil, Mexique
entrent dans la tourmente
par Pierre Salama / 4 août 2015
À partir de 2003 et jusque 2012, une période nouvelle apparaît en Amérique latine. La croissance est plus élevée que lors de la décennie précédente, les « fondamentaux » (soldes de la balance commerciale et du budget, réserves internationales, chômage, emplois formels, inflation) s’améliorent le plus souvent, les politiques sociales sont plus ou moins importantes selon les pays, la pauvreté recule et les inégalités de revenus paraissent diminuer. Grâce à un taux de croissance plus élevé que dans les pays avancés, le revenu par tête de la plupart des pays latino-américains se rapproche de celui des États-Unis, mais à un rythme relativement lent si on le compare à celui des pays asiatiques.
À partir de 2012, les difficultés apparaissent. Le miracle économique devient mirage, le nouvel eldorado, fantasme de journalistes et d’hommes d’affaires, n’en est pas un. La convergence avec les économies avancées cesse. Elle est fragile, sa durabilité est problématique car de nouvelles vulnérabilités apparaissent. ...
La crise qui s'ouvre est analysée par Pierre Salama, latino-américaniste reconnu, docteur honoris causa des Universités UAM et de Guadalajara (Mexique), professeur émérite des universités (Paris XIII), ancien directeur de laboratoire du CNRS, membre du comité de rédaction de plusieurs revues étrangères et ancien directeur scientifique de la Revue Tiers Monde, auteur de "Les Economies Emergentes Latino-Américaines" (2012).
Mexique. Les difficultés durables de l'économie
par Pierre Salama / 11 juin 2015
Une interview réalisée par Thierry Garcin (Les Enjeux Internationaux
France Culture)
Les perspectives économiques pour 2015
Julio C Gambina / 7 août 2015
La situation de crise mondiale du capitalisme continue et les directions de la croissance mondiale changent. Si jusqu'à récemment l'effet de la faible croissance était ressenti dans les principaux territoires du capitalisme mondial et la référence était la croissance des pays du sud qui s'expliquait en particulier par la hausse des prix des exportations des métaux, minerais, énergie et alimentation, la situation est différente à présent.
Non qu'il y ait des perspectives de grande croissance du capitalisme développé, mais la tendance actuelle y ajoute la décélération des pays qui jusqu'à récemment compensaient les tendances récessives. Dans ce sens, la décélération de l'économie chinoise ressort.
L'Amérique Latine est touchée par ce phénomène de décélération, en particulier du fait de la chute des prix internationaux à l'exportation et par la préoccupation en raison du rôle joué ces dernières années par la Chine en tant que partenaire commercial, investisseur et prêteur de plusieurs pays de la région.
La Crise n'est pas grecque, européenne ou chinoise, elle est mondiale
Julio C. Gambina / 30 juillet 2015
En un mois, entre mi-juin et mi-juillet, la valorisation boursière à Shanghai, une des villes emblématiques de l'expansion économique de la Chine, a chuté de 30%, et en un an sa dette a augmenté de manière exponentielle.
Jusqu'à présent, on n'entendait parler que de la croissance économique de la Chine, en particulier depuis le début de la modernisation de son modèle économique en 1978. Les taux « à la chinoise », ainsi nommés, de 10% ou plus, le démontraient.
Ces derniers temps on parla de décélération, avec des taux de l'ordre de 7%, très supérieurs à l'évolution de toute autre économie nationale, des pays développés, émergents ou en retard. La question est de savoir si sous les nouvelles conditions d'une crise évidente ceci continuera, et y compris si ceci affectera le taux de croissance et avec lui le système mondial vers une nouvelle spirale récessive.
La question vaut pour nous, la Chine étant un des principaux acheteurs de l'Argentine et un nouveau bailleur de fonds pour les investissements externes ou pour les prêts refusés par le système mondial. ...